Le taux d’attrition, un levier dangereusement sous-estimé
L'attrition c'est comme la pesanteur, cela tire immanquablement le chiffre d'affaires vers le bas.
Hybride par nature - il dépend tout autant de facteurs internes à l’entreprise (maîtrise de la relation Client) qu’externes (pression concurrentielle, évolution des besoins) - le taux d’attrition est délicat à appréhender par les commerciaux, et est souvent relégué à un rang secondaire derrière l’acquisition de nouveaux clients, l'upselling ou le cross-selling.
Et pourtant c’est un levier très puissant d’amélioration des performances avec une influence significative sur le chiffre d’affaires, le risque commercial, la rentabilité et la valeur d’entreprise.
Comprendre les impacts du taux d’attrition
Le taux d’attrition peut être mesuré en volume : nombre de clients (attrition totale) ou en valeur : chiffre d’affaires par client (attrition relative). La mesure en valeur étant plus précise (elle tient compte des variations de consommation par client), c’est celle que nous retiendrons dans le reste de cette note.
1. Le chiffre d’affaires
L’un des avantages que présente une bonne maîtrise du taux d’attrition est l’impact sur les revenus à long terme et sur leur taux de croissance.
Pour illustrer ce point, considérons deux sociétés générant un chiffre d’affaires issu de clients nouveaux de 300 000 € par an, parfaitement identiques en tout point, mais dont l’une (A) à un taux d’attrition de 5% et l’autre (B) un taux d’attrition de 30%. Au bout de 5 ans, l’entreprise (A) dégagera un chiffre d’affaires 1,8 fois supérieur avec une croissance marginale 2,8 fois plus rapide (graphique 1).

Dans un registre plus élaboré, mais très adapté aux solutions SaaS, l’attrition peut être évaluée par un taux « net négatif ». L’objectif est de mesurer, pour chaque client, la quantité de chiffre d’affaires additionnel (upselling ou cross-selling) en regard du chiffre d’affaires perdu. En l’espèce, si pour un client donné, le chiffre d’affaires additionnel est de 9% et le chiffre d’affaires perdu de 6%, alors le taux d’attrition net négatif sera de -3%.
2. Le risque commercial
Un second bénéfice d’un taux d’attrition maîtrisé est moins évident : stabiliser la génération de chiffre d’affaires dans le temps.
Reprenons notre exemple d’une société de 300 000 € de chiffre d’affaires de clients nouveaux. Si elle maintient son taux d’attrition à 10% sur la période, en année N+5 la part des revenus générée par le renouvellement de clients existants sera de 79% (graphique 2).

Plus le poids relatif des clients existants est important, plus les prévisions de croissance sont précises et moins la production de chiffre d’affaires est à risque.
3. La rentabilité
L’impact du taux d’attrition sur la rentabilité est démultiplié par le fait que de renouveler un client existant coûte 5 à 25 fois moins cher que d’en acquérir un nouveau.
Dans l’exemple de nos deux sociétés, si l’on prend comme hypothèse que le renouvellement de clients existants est 15 fois moins coûteux que l’acquisition de clients nouveaux, alors celle qui a le taux d’attrition de 5% (A) dégagera en N+5 un EBITDA 2,2 fois supérieur (graphique 3).

Une détérioration de l’attrition a toujours un impact à long terme sur la rentabilité en raison de la réduction de la durée de vie moyenne des clients (Long Term Value) sans diminution de leurs coûts d’acquisition.
Les VCs sont de plus en plus attentifs à la relation entre le taux d’attrition et la rentabilité, et il est fréquent qu’ils exigent, pour une période déterminée, le maintien d’une rentabilité positive sans apport de nouveaux clients.
4. La valeur d’entreprise
L’ensemble des effets précédents à un impact déterminant sur la valorisation d’une société.
Le graphique 4 présente les différents niveaux de valorisation sur un continuum de taux d’attrition. L’exemple hypothétique est celui d’une société de 300 000€ de chiffre d’affaires en début d’exercice, valorisée sur une période de 5 ans, et avec pour seul paramètre variable le taux d’attrition.
Sur un intervalle de 2% à 30%, une fluctuation de 2 points du taux d’attrition entraîne une variation moyenne de 200 000 € à 250 000 € de la valeur de la société (graphique 4).

(1-La valorisation est calculée ici avec la méthode du Discounted Free Cash-Flow)
Comment corriger, ou mieux, prévenir ?
Le taux d’attrition se prévient autant qu’il se corrige et, lorsque nous menons des missions d’amélioration de la performance commerciale, nous nous appuyons toujours sur ces deux leviers.
Voici 14 mesures parmi la variété de celles que nous utilisons :
Mesures préventives – Se protéger contre une dégradation du taux d’attrition :
Cibler sa prospection pour éviter d’embarquer des clients mal choisis, prompts à la résiliation !
Onboarder ses clients pour qu'ils comprennent et utilisent TOUTE la valeur que vous allez leur apporter
Anticiper les attentes trop élevées de ses clients en définissant conjointement les KPIs de réussite au début du projet
Développer des offres ouvrant les possibilités d'upselling ou de cross-selling
Structurer son portefeuille d’offres pour empêcher les effets de cannibalisation indésirables
Gérer proactivement les renouvellements pour éviter les recours aux remises tarifaires ponctuelles qui ont des conséquences très négatives à moyen terme (glissement du cashflow)
Rémunérer les Sales en intégrant un objectif de taux d’attrition, modulable en fonction des priorités
...
Mesures correctives – Réduire le taux d’attrition des clients existants :
Mettre en place un support client compétent, accessible et réactif
Analyser les taux d’attrition par profil (segment, taille d’entreprise, saisonnalité, intensité d’utilisation, concurrence, retards de paiement…)
Faire évoluer son offre au regard des fonctionnalités les plus demandées par ses clients
Faire les "autopsies" des clients qui résilient pour comprendre pourquoi et réduire l’attrition future
Ne jamais considérer qu’une résiliation est définitive. Par exemple : des clients peuvent ne pas savoir qu'une fonctionnalité recherchée existe ou arrive bientôt
Permettre aux clients d’accéder facilement à des modules d’information et de formation sur l’offre (webinars, blog, livres blancs…)
Avoir une stratégie tarifaire suffisamment flexible pour pouvoir intervenir sur les cas d’attrition les plus problématiques (prix unitaires, réductions sur volume, tarification des fonctionnalités…)
...
La lente remontée des taux d’attrition que nous observons ces derniers temps est probablement appelée à perdurer, alimentée par la pression concurrentielle, les impondérables d’ampleur (Covid, guerre, inflation…) et les innovations technologiques. Cette hypothèse, si elle s’avérait fondée, milite pour une réaction énergique de la part des responsables commerciaux.
Si vous êtes intéressé à approfondir ce sujet et à en savoir plus sur nos expériences, n’hésitez pas à nous contacter.
Alexandre Giry-Deloison, fondateur et CEO de GROW
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